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Le parc de la Colombière et ses allées, joyaux d’un XVIIe siècle « à la Française »

Par David Richin
Le 24/03/2023 - 08h00

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Situés au sud du centre-ville de Dijon, le parc de la Colombière et les allées qui le prolongent font aujourd’hui le bonheur de nombreux promeneurs en quête de détente. Mais ce parc public et forestier de 33 hectares (le plus grand de la ville) est aussi un véritable bijou historique, conçu sur le modèle des jardins à la Française…

Un illustre créateur…

C’est à Louis II de Bourbon-Condé (1621-1686), quatrième prince de Condé et surnommé « le Grand Condé », que revient la paternité du parc en 1672. Outre d’innombrables titres, comme les célèbres « duc de Bourbon », « duc d’Enghien » ou « duc de Montmorency », l’homme porte également la charge de gouverneur de Bourgogne, en deux époques : de 1646 à 1650, puis de 1659 à 1676.

… Tombé en disgrâce durant la Fronde

La raison de cette interruption de presque 10 ans trouve son origine durant la Fronde, période de troubles suite à la guerre de Trente Ans entre la France et l’Espagne. Alors que Louis XIV est encore enfant, le prince adopte une attitude ambiguë, soutenant la reine-mère (régente) Anne d’Autriche, mais se défiant du cardinal Mazarin. Celui-ci le fait alors arrêter le 18 janvier 1650 ; la détention dure jusqu’au 7 février 1651 avec l’exil (temporaire) de Mazarin. Le Grand Condé prend alors la tête de la Fronde des Princes. Défait, il se met au service des Espagnols, qui sont eux-mêmes vaincus en 1658. Le roi lui assure le pardon royal en 1659 lors du traité des Pyrénées, et le prince recouvre ainsi le gouvernement de Bourgogne.

XVIIe siècle : les grands travaux

Le Grand Condé fait dessiner et planter le parc. C’est ainsi qu’en 1683, il ne compte pas moins de 10 000 Charmilles et 500 bottes de Buis ; l’année suivante, 8 000 Charmes et 200 Lilas. Les plantations se poursuivent en 1685 avec 140 Épicéas et 140 Ifs taillés en pièces d’échiquier, bordant les parterres. Les Dijonnais peuvent alors accéder librement au parc qui offre un aspect quasi définitif.

Le nouveau duc d’Enghien et la construction du « castel »

Henri-Jules de Bourbon-Condé (1643-1709), fils du précédent, nouveau duc d’Enghien et gouverneur de Bourgogne, fait construire le castel de la Colombière sur la rive opposée de l’Ouche. La rivière est alors canalisée et enjambée par une passerelle afin de relier le château au parc, dont l’aménagement continue grâce au paysagiste Antoine de Maerle. Ce dernier est l’un des élèves d’André Le Nôtre, jardinier paysagiste de Louis XIV, et dont l’influence est manifeste.

Un parc municipal

La Révolution française voit le parc devenir municipal. Certains changements sont opérés, tels la création en 1811 d’une allée cavalière elliptique puis d’une nouvelle piste cavalière en sous-bois. La futaie se développe sans contrainte, conférant au parc un côté plus « naturel ».

Un cadran solaire est édifié en 1827. Certaines pièces issues d’autres monuments viennent embellir le parc : ainsi dès 1843 la grille et des pavillons de l’ancien octroi1 de la place Saint-Bernard ornent l’entrée principale, et en 1965 est transféré le « temple d’Amour » du château de Bierre-lès-Semur, datant du XVIIe siècle.

La consécration

En 1925, le domaine est classé « monument historique ». En 1970, une vaste pelouse est aménagée dans l’axe médian ; elle aboutit à une aire de jeux et des enclos pour élever des animaux de basse-cour.

Restauré depuis 1978, le bois s’enorgueillit aujourd’hui d’environ 6 000 arbres (dont une centaine de conifères appartenant à une quinzaine de genres différents), d’essences variées : tilleuls, marronniers, chênes, charmes, frênes, érables… 500 jeunes sujets ont été replantés ces dernières années. Il est agrémenté de nombreux massifs de fleurs.

De la chasse à courre au centre équestre

Initialement conçu comme un pavillon de chasse dédié à la la vénerie (ou chasse à courre), le castel de la Colombière héberge depuis 1947 l’association L’Étrier de Bourgogne. Celle-ci constitue le plus important centre équestre de Bourgogne en nombre de licenciés, avec plus de 500 membres. Labellisée École française d’équitation, écurie de compétition et site d’excellence sportive CCE (concours complet d’équitation), elle organise des concours club, amateur et pro dans les disciplines CCE, CSO, Hunter et maniabilité.

www.etrierdebourgogne.fr

Un parc « à la Française »

Le parc de la Colombière s’inscrit pleinement dans la mouvance des « jardins à la Française » : 16 allées (8 larges et 8 étroites) rayonnent à partir d’un rond-point en position centrale. Celui-ci est coupé par l’allée centrale, laquelle s’inscrit dans la perspective de la façade du château. Les allées, reliées entre elles par une allée octogonale qui contourne le parc, butent contre deux mails2 limitant ce dernier. Elles sont aujourd’hui sablées pour mieux marquer le dessin initial.

La quête de perfection des jardins à la Française

Ce raffinement dans la conception des jardins culmine au XVIIe siècle avec la création des jardins de Versailles, référence suprême en la matière pour les cours d’Europe. Directement inspiré des jardins du nord de l’Italie (tout en étant plus grand en général), le « jardin à la Française » se caractérise par son aspect régulier et terrassé, souvent linéaire. Jeux d’eau, statuaire, aménagements lourds (canaux et bassins, orangeraie, pavillons) et végétaux savamment taillés (« art topiaire », qui s’exerce notamment sur les fruitiers) y occupent une place centrale.

Les vestiges de la Via Agrippa

Le parc met en valeur quelques restes du célèbre réseau de voies créé en Gaule romaine par le général Agrippa à la demande d’Octave (63 av. J.-C. – 14 ap. J.-C.), premier empereur romain en 27 avant Jésus-Christ sous le nom d’Auguste. En fonction des auteurs, la période estimée de leur édification oscille entre 39 et 13 avant Jésus-Christ.

Ce réseau rayonnait en 4 voies à partir de Lugdunum (Lyon), nouvelle implantation stratégique romaine :

– la voie d’Aquitaine vers Saintes et l’Atlantique ;
– la voie du Rhin vers Cologne ;
– la voie de la Manche (à partir de Chalon-sur-Saône) vers Boulogne-sur-Mer. C’est cette portion qui traverse le parc de la Colombière ;
– la voie de la Méditerranée vers Arles.

Des voies de communication avancées

La Via Agrippa traversait des villes d’importance ainsi que des relais (mutationes) où l’on pouvait changer (mutare) les équipages des voyageurs et du service de poste impérial (cursus publicus).

Comme les autres grandes voies, elle était jalonnée de bornes-colonnes en pierre hautes de 2 à 4 mètres, appelées « milliaires » : elles indiquaient en effet la distance en milles romains (environ 1 460 mètres) avec des villes de référence (capita viae), ainsi que le nom du magistrat ou de l’empereur qui les avait fait dresser ou réparer.

Les allées du Parc, lien entre la Colombière et le centre-ville

Longue d’un kilomètre et demi, « la plus belle allée de mon royaume » selon les dires de Louis XIV relie le parc de la Colombière à la vaste (8 000 m²) place Wilson – ancienne place Saint-Pierre, aménagée en 1839.

Cette dernière en constitue le point de départ, comme le rappellent les 2 majestueux piliers (pilastres) surmontés de vases à guirlandes, rénovés le 8 novembre 2013. Cet agréable lieu de repos se distingue par son kiosque à musique et son bassin avec jets d’eau.

Des allées doubles…

Plus précisément, les allées du Parc sont doubles, collatérales de part et d’autre du cours du Parc (jusqu’au rond-point Edmond-Michelet), puis de son prolongement le cours Général-de-Gaulle.

Créé en 1671, le cours du Parc est planté de tilleuls sur les 4 rangées de ses allées ; les maisons bourgeoises qui le bordent ont été bâties pour la plupart de la fin du XIXe au début du XXe siècle, grâce à l’essor économique de la ville.

… Et classées !

Les allées deviennent « site classé » en 1938 et accueillent le monument de la Victoire et du Souvenir, dédié aux morts pour la France.

Les piétons, cyclistes et rollers en font rapidement leur promenade favorite, profitant des massifs floraux et des nombreux bancs à l’ombre des tilleuls, mais aussi désormais des marronniers, érables, frênes, pruniers…

Informations pratiques

Ouverture : accès libre et gratuit de 7h30 au coucher du soleil.

Prestations : accessibilité aux enfants à mobilité réduite, aires de jeux, enclos animaliers, buvette, sanitaires et points d’eau, animations diverses (location de voitures à pédales ou « rosalies » les mercredis, samedis, dimanches, jours fériés et pendant les vacances scolaires).

1 Bâtiment de l’administration chargée de prélever cette taxe jadis perçue par les municipalités sur l’importation de marchandises « rentables » dans leur territoire (vin, huile, sucre, café, etc.), pour financer l’entretien des fortifications et les travaux d’utilité publique.
2 Avenue plantée d’arbres, à l’origine réservée pour le jeu de mail (ancêtre du golf et du croquet).

Photos
Archives municipales de Dijon