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L’arrivée du chemin de fer à Bourg : la mutation du Plateau s’amorce

Par Habib Essanhi
Le 18/06/2023 - 10h00

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L’arrivée du chemin de fer à Bourg en 1856 marque le début d’une nouvelle ère sur les hauteurs de la ville, d’où le nom du quartier : « Le Plateau ». Cette mutation ne se fait pas sans effets négatifs car la voie ferrée isole du centre le quartier du Peloux-Mail…

Le tracé ferroviaire Paris-Genève passe par Bourg

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, sous l’impulsion de Napoléon III, le pays connaît un important développement du chemin de fer. Le nombre de kilomètres de voies ferrées passe ainsi de 4 000 en 1850 à 17 000 en 1870. Bourg se trouvant sur le tracé de la ligne Paris-Genève, la création d’un embranchement sur la ville est votée en 1853 au Parlement.

Le choix du site d’implantation de la gare

Se pose alors la question du lieu d’implantation de la gare. Si deux emplacements sont pressentis, le plateau du Mail est préféré à la vallée de la Reyssouze : il offre le double avantage d’être à la fois vaste et abondamment pourvu en eau à faible profondeur, cette dernière étant indispensable au fonctionnement des machines à vapeur.

Bourg, scindée en deux par la voie ferrée

En 1856, le chemin de fer est opérationnel avec l’ouverture officielle de la ligne Bourg-Lyon. La voie ferrée traverse le plateau du Mail et le scinde en deux parties inégales (1/3 – 2/3). Désormais, ses habitants ne disposent plus que de deux issues pour accéder au centre-ville : la première traverse le chemin de fer au sud, et relie Péronnas à Bourg ; au nord, la seconde rattache Saint-Denis à Bourg.

Un obstacle pour les usagers… Qui s’impatientent

La foire de Bourg le mercredi jouit d’une grande notoriété. Ce jour-là et en raison de la nécessité de traverser les passages à niveau, les déplacements des carrioles et personnes se révèlent vite contraignants. Le mécontentement va grandissant… D’autant plus que le nombre de trains augmente, de même que la longueur des convois : « l’attente des carrioles et des bêtes, au passage des trains, devient de plus en plus longue »*. Tant du côté de Péronnas que de Saint-Denis, l’impatience des usagers culmine le mercredi, jour de foire.

Le pont assainit la route de Lyon

C’en est trop. En 1865, les usagers du passage à niveau de Bourg-Péronnas portent leurs réclamations devant la municipalité. Elles restent sans suite. Il faut attendre 1904 pour que celle-ci décrète « d’utilité publique » le remplacement du passage à niveau par un pont métallique, lequel est inauguré le 31 juillet 1906.

En 1944, le pont est dynamité par le dernier Allemand encore en place, qui s’échappe de la ville à moto. L’année suivante, un pont provisoire en bois est réalisé à l’occasion de la « fête du Plateau ». Il sera définitivement remplacé par un pont en béton armé, en 1951**.

Le passage souterrain du Mail se concrétise enfin !

Les utilisateurs du passage à niveau du Mail, à l’instar de leurs homologues de la route de Lyon, multiplient, en vain, les démarches auprès de la municipalité – notamment après la Première Guerre mondiale. Mais la présence d’immeubles empêche toute construction de pont et d’un point de vue technique, le passage souterrain semble la solution la plus judicieuse. Problème : le coût plus conséquent retarde sa mise en œuvre.

Pourtant, les Trente Glorieuses ont démocratisé la voiture… D’où une forte augmentation de la circulation ! À l’arrivée du train, les embouteillages derrière le passage à niveau deviennent intenables : la construction du passage souterrain se concrétise en 1965.

Avant l’arrivée du chemin de fer

Selon le plan cadastral napoléonien, avant 1830, le haut de la ville est essentiellement constitué de terres arables et de quelques fermes isolées. C’est du côté de la route de Lyon, de l’actuel lycée Pardé et de La Madeleine que se situe « l’essentiel de l’activité du Plateau ».

Le Plateau attend son rattachement à la voirie communale

En 1857, lorsque la gare est achevée, l’accès au centre-ville depuis celle-ci reste difficile : la rue est sombre et mal entretenue. Les bêtes et les voyageurs affluent, notamment le mercredi, ce qui entraîne des retards de trains répétés… Au point que le préfet de l’Ain décide, par décret, de leur interdire les voies ferrées.

De plus, le quartier du Plateau reste enclavé et ses 2 000 habitants s’exaspèrent. En 1900, ils s’adressent au maire dans un rapport pour réclamer les mêmes droits que les autres Burgiens, à savoir : être rattachés à la voirie communale !

Côté « est » du chemin de fer : la liaison Plateau – hôtel de ville

De la gare à l’actuelle avenue Jean-Jaurès et la partie haute de l’avenue Alsace-Lorraine, la rue est mal éclairée et dangereuse. Pour se rendre au centre-ville, il convient d’emprunter le Mail et l’avenue Pierre-Sémard. Cette situation inconfortable amène la municipalité à créer l’avenue Alphonse-Baudin, achevée en 1874. En 1895, l’avenue Alsace-Lorraine prend forme et relie définitivement le quartier du Plateau au centre-ville.

Côté « ouest » : les premiers commerces du Peloux-Mail

Isolé de Bourg, le Mail prend son essor en 1898 avec l’arrivée d’une nouvelle voie ferrée reliant Jassans à Bourg. Une gare est alors bâtie sur la route de Saint-Denis, et l’avenue du Mail voit le jour. De nouveaux commerces apparaissent vers le passage à niveau : café, épicerie, boucherie, boulangerie, etc. Dans l’avenue de Lyon, s’installent notamment l’actuel bar-restaurant « Chez Annie », la boulangerie Bennonier et l’épicerie (actuel Proximarché).

Le quartier du Peloux-Mail s’industrialise…

La proximité avec la voie ferrée favorise aussi le développement artisanal et industriel de la zone, en particulier durant l’entre-deux-guerres et les Trente Glorieuses. Entre autres, les entreprises du bâtiment, de travaux publics, de charbon, d’ébénisterie s’installent dans les avenues du Mail et de Lyon, les rues de Montholon, des Lazaristes, etc. Plus au nord, les « Câbles de Lyon » (actuel « Nexans ») se créent en 1955. La Tréfilerie-Câblerie (actuel « Arcelor-Mittal »), installée en 1906, poursuit son développement.

…Et s’urbanise !

À l’instar du fondateur de la Tréfilerie- Câblerie (Ernest Chaudouet, qui fait construire des cités pour ses ouvriers dans la rue Jean-Mermoz), les compagnies de chemin de fer décident en 1929 la création de logements pour les cheminots. Ainsi, des immeubles sont construits dans les années 1930, notamment dans le faubourg de Lyon et le quartier du Peloux-Mail. En parallèle, des maisons individuelles font leur apparition.

La scolarisation des enfants, nouvelle préoccupation

Les nouveaux quartiers attirent beaucoup de jeunes familles, et la question de la scolarisation se pose rapidement. Dans le faubourg de Lyon, l’école Sainte-Marie voit le jour en 1930. Deux ans plus tard, c’est au tour des enfants du Peloux de faire leur rentrée dans la toute nouvelle école du quartier.

Sources

Il était une fois à l’ouest… de Bourg-en-Bresse : le quartier Peloux-Mail. Association Terre en couleurs, 2010
Une plume à Bel-Air : Le Plateau et son histoire. Association Le Plateau (ouvrage collectif), 2011
Bourg de A à Z. Maurice Brocard, 2000

 Photos

 Archives municipales de Bourg-en-Bresse